Par un arrêt en date du 14 octobre 2021 (CA Paris Pôle 04, Ch. 13, 14 octobre 2021, n°20/11621), la Cour d’Appel de Paris est venue annuler purement et simplement une disposition du Règlement intérieur du Barreau de Paris (RIBP) tendant à une extension des prérogatives des avocats mandataires sportifs en leur offrant la possibilité d’exercer l’activité de mise en relation des joueurs et des clubs.
Si les faits sont limpides et la solution retenue d’une cohérence implacable sur le plan de la stricte logique juridique, il n’en demeure pas moins qu’elle questionne la nature même de la profession d’avocat dans un univers de plus en plus concurrentiel sous le prisme de sa coexistence avec celle d’agent sportif.
Le Conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris a semé la discorde en l’espèce en adoptant une délibération en date du 2 juin 2020 instituant au sein du RIBP un nouvel article P.6.3.0.3. qui engendrait la novation de l’avocat mandataire sportif en avocat agent sportif, par ailleurs pour les seuls membres du barreau de Paris.
Pour mémoire, la teneur de l’article précité était la suivante : « L’avocat peut en qualité de mandataire sportif, exercer l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement. L’avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l’avocat, les honoraires correspondant à sa mission »
A l’instar des agents sportifs licenciés par leurs fédérations délégataires d’appartenance (FFR ; FFF ; FFH…) par suite de la réussite à un examen théorique mêlant épreuve générale et épreuve spécifique à la pratique concernée, ils étaient ainsi nouvellement en capacité, pour reprendre les dispositions du Code du sport propres auxdits agents : « (…) [de] mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées [C’est-à-dire soit un jour, soit un entraîneur] à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement » (C. sport, art. L. 222-7 al. 1) .
Leur était désormais ouverte la possibilité d’être rémunéré directement par le cocontractant de leur client (à titre d’exemple par le club qui engage un joueur) et non pas exclusivement par leur client.
La Procureure Générale près la Cour d’Appel de Paris ne pouvait dès lors que former un recours en annulation (à l’appui duquel se sont joints différentes fédérations sportives ainsi que l’Union des Agents Sportifs du Football (UASF)) contre ce texte qui à la foi faisait fi de la hiérarchie des normes et niait la nature libérale de l’activité d’avocat et par suite contrevenait à la déontologie de la profession.
Il est vrai en effet que la loi du 28 mars 2011 modifiant la loi du 31 décembre 1971 règlementant la profession d’avocat semble n’offrir à ces derniers que l’unique possibilité d’exercer en tant que mandataires sportifs. Dans une telle optique, ceux-ci demeurent seulement autorisés à conseiller et représenter un joueur ou un entraîneur intéressé à la conclusion d’un contrat de travail, tout en se limitant à négocier ledit contrat, sans jamais devenir de véritables intermédiaires.
C’est au demeurant la position adoptée par les juges parisiens en considération du fait que, dans cette dernière perspective, ils seraient dès lors non seulement à même d’être rémunérés par un club lorsqu’ils représentent un joueur, mais plus gravement encore, en capacité de démarcher des clubs et/ou sportifs, ceci en contravention avec les disposition légales et réglementaires régissant la profession d’avocat.
C’est ainsi que la Cour d’Appel de Paris s’est laconiquement contentée de faire référence dans la première hypothèse aux termes de l’article 10 al. 6 de la loi de 1971 précitée disposant expressément que l’avocat, quand bien même serait-il mandataire sportif, « ne peut être rémunéré que par son client ». La justification de cette prohibition générale, elle-même rappelée par cette juridiction, réside dans le fait en la circonstance que le règlement des honoraires de l’avocat par une tierce partie contreviendrait à la loi en ce qu’il serait source de « conflit d’intérêt ».
Pire, c’était selon ces mêmes juges dans la seconde hypothèse, reconnaître la possibilité pour les avocats mandataires sportifs d’exercer une activité de courtage prohibée sur un plan déontologique comme étant « par nature commerciale » et constituant une « mission principale » et non simplement accessoire.
Or, cette interdiction se doit d’être grandement nuancée en premier lieu au regard du fait que la Cour d’appel de Paris ne précise jamais en quoi l’activité de mise en relation serait obligatoirement « principale » et la rémunération par un club source de « conflit d’intérêt ».
En second lieu en effet, les nouveaux champs de compétence des avocats (l’on peut citer l’exemple de l’avocat mandataire en transactions immobilières) démontrent que le législateur n’est pas réticent à assouplir les limites déontologiques liées à la nature libérale de la profession d’avocat.
Finalement, s’il est acté un maintien du droit en vigueur placé sous le signe de la complémentarité des missions respectives des intermédiaires (mise en relation) et mandataires sportifs (négociations et conclusions de conventions), il n’est peut-être pas illusoire de penser que l’initiative du barreau de Paris n’avait d’autre but que de pousser le législateur national à se saisir de la question.
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